La place des femmes dans le football

Publié le 04/03/2024

⚽  Quelle est la place des femmes dans le football ?

🤔 Comment les stéréotypes féminins influent-ils sur les opportunités offertes aux femmes dans ce sport ?

🗣️ Les intervenants :
– Arnaud DALLA PRIA : Président de la Ligue de Football d’Occitanie.
– Nicole ABAR : Ancienne footballeuse professionnelle.
– Jennifer DARBAS : Directrice Générale Adjointe du TFC.
– Brigitte THIÉBAUT : Déléguée LFP, ancienne arbitre.

😔  Le problème de la stéréotypisation dans le football :
Tout au long de la conférence, un problème de stéréotypisation dans le football est souligné. Bien que le football professionnel féminin gagne en popularité (la dernière coupe du monde féminine fut le quatrième événement sportif le plus regardé de la planète), le football demeure un milieu très masculin, tant du côté des joueurs, des arbitres que des dirigeants.

Brigitte Thiébaut et Nicole Abar partagent leurs expériences en tant qu’anciennes joueuses de football. Issues de familles immigrées, elles se sont passionnées très jeunes pour le football, mais ont eu du mal à s’imposer dans un environnement essentiellement masculin. Brigitte raconte avoir été contrainte de porter une casquette pour dissimuler ses longs cheveux, tandis que Nicole jouait sous le nom de « Nicolas » au club des Pradettes à Toulouse. Bien qu’elles aient eu un bon niveau et trouvé leur place dans les équipes où elles jouaient, des remarques sur leur sexe remettaient toujours en question leur féminité. Brigitte Thiébaut s’exprime à ce sujet : « Je suis une femme et je suis fière de l’être. Jouer au football ne m’enlève pas ma féminité ».

Nicole Abar nous explique, à travers son documentaire « À la conquête de l’espace », que ces problèmes d’inclusion ne sont pas propres au football, mais relèvent plutôt d’un problème social. Dans un extrait montré lors de la conférence, des enfants répondent à une expérience sociale où ils doivent associer des activités au sexe masculin ou féminin. Cette expérience révèle une éducation patriarcale, encourageant la normalisation des stéréotypes féminins et masculins.

Bien que les filles semblent plus intégrées au football de nos jours par rapport à l’époque de Nicole, il reste encore beaucoup à faire, car de nombreux enfants pensent toujours que « le foot n’est pas un sport de filles ».

Cependant, ce problème concerne non seulement les joueuses de football. Brigitte Thiébaut évoque les obstacles et les comportements sexistes auxquels elle a été confrontée en tant qu’arbitre. Elle raconte que pendant longtemps, les arbitres femmes étaient appelées « Monsieur l’arbitre ». Brigitte a lutté pour faire disparaître ce commentaire sexiste et pour être appelée, ainsi que toutes les femmes arbitres de France, « Madame l’arbitre ». Lorsqu’elle est devenue dirigeante au sein de la Ligue Professionnelle de Football (LFP), ses compétences étaient souvent négligées en raison de son sexe.

Les problèmes rencontrés par les femmes occupant des postes importants dans un club de football incluent la négligence de leur travail, le syndrome de l’imposteur et le sexisme (comme l’exemple de « Monsieur l’arbitre »).

Ce problème semble être assez répandu chez les femmes occupant des postes élevés dans des milieux masculins. Jennifer Darbas témoigne également avoir été victime du « syndrome de l’imposteur », un sujet fréquemment abordé lors de la conférence. Ce syndrome consiste à penser que le succès d’une personne est dû au hasard ou à la chance, et non à ses compétences professionnelles. Jennifer était souvent remise en question dans son rôle de directrice générale au sein d’une entreprise de transports. Malgré son travail assidu et remarquable, ses collègues masculins justifiaient son succès par ses attributs féminins, plutôt que par son savoir-faire et ses compétences.

Aujourd’hui, Jennifer est directrice générale adjointe du TFC et se sent valorisée pour ses compétences, et non seulement en tant que femme.

Arnaud Dalla Pria insiste sur le fait qu’aujourd’hui, il ne faut pas forcer l’intégration des femmes dans de tels métiers, mais choisir la personne la plus qualifiée pour le poste. Cependant, il reconnaît que pour les femmes, il est encore plus difficile d’accéder à ces postes stéréotypés comme masculins.

Brigitte, Nicole et Jennifer encouragent les femmes à se battre et à ne jamais céder face aux doutes sexistes concernant leurs compétences. Elles doivent croire en elles-mêmes, tout comme les hommes, et aspirer à occuper des postes importants dans un club de football, une institution ou une entreprise prestigieuse.

Comment luttent elles pour promouvoir la présence des filles dans le football, sur et en dehors du terrain ?
Arnaud Dalla Pria affirme que grâce à de grands événements comme la victoire lors de la Coupe du Monde 2018, l’organisation de la Coupe du Monde féminine en 2019 et le sacre du TFC en Coupe de France en 2023, le nombre de femmes demandant des postes de direction dans un club de football a considérablement augmenté au cours des dix dernières années.

Cependant, l’écart avec les homologues masculins reste encore trop important. En France, on compte actuellement seulement 7 femmes dirigeantes à la LFP, sur 52 hommes, et seulement 2 femmes sont directrices adjointes dans un club professionnel (au FC Metz et au Toulouse FC).

💪 Comment promouvoir l’intégration des femmes dans le football ?
De nombreuses associations ont été créées ces dernières années pour favoriser l’égalité hommes-femmes dans le football, inciter les filles à pratiquer ce sport et lutter contre les préjugés liés à leur sexe et au ballon. Nicole Abar nous présente deux associations : Egal Sport et Libération Sport, qui visent à soutenir la place des femmes et la mixité dans le sport, et à dénoncer toute forme de discrimination dans ce domaine. Elles cherchent à donner une visibilité accrue aux femmes et à inciter les médias à les intégrer davantage.

Ces associations fonctionnent grâce à l’engagement de bénévoles et cherchent à attirer plus de femmes.

Une autre association est « Les Munitionnettes », fondée par Zakia Rabi. Cette association vise à aider les femmes défavorisées à réussir leurs entretiens d’embauche en leur fournissant des vêtements appropriés. Son objectif principal est de renforcer la confiance en soi et de motiver les femmes qui souffrent du « syndrome de l’imposteur » à réussir dans des milieux professionnels où elles ont du mal à s’imposer face aux hommes. Cette association fonctionne grâce aux dons de vêtements.

Enfin, la Ligue de Football d’Occitanie encourage les femmes à occuper des postes importants dans des clubs de football amateurs, tels que déléguées, dirigeantes, entraîneuses et même présidentes de club.


🎤 Entretien avec Nicole Abar :

Qui êtes-vous ? Quel est votre engagement dans le football féminin ?
« J’ai joué 10 ans en équipe de France, j’ai remporté huit fois le championnat de France et je suis également entraîneuse de football. J’ai créé deux clubs féminins en région parisienne ainsi que deux associations pour promouvoir le sport féminin. Je suis également cinéaste et j’ai récemment réalisé le film « À la conquête de l’Espace ». Mon engagement ? Travailler pour l’égalité entre les filles et les garçons dès leur plus jeune âge. Il est très important que les garçons participent également, pour développer la motivation et la confiance en soi à travers la motricité et l’utilisation de leur corps, ce que les garçons maintiennent tout au long de leur vie mais que malheureusement les filles perdent, en partie à cause des stéréotypes. Pour moi, c’est un gâchis de talent et je me bats pour que les filles et les garçons puissent exprimer tout au long de leur vie une confiance en soi grâce à une habilité sportive, comme le football ».

Aujourd’hui, la Coupe du Monde de football féminin est le quatrième événement sportif le plus regardé au monde. Vous qui avez été pionnière du football féminin en France, comment voyez-vous cette évolution et que reste-t-il à faire pour que le football devienne un sport moins masculin et plus égalitaire ?
« Le progrès est énorme. J’ai 64 ans et aujourd’hui, vous ne trouverez aucune photo de moi ou de mes collègues en train de jouer au foot. Vous ne verrez ni vidéo et vous ne me connaissiez probablement pas auparavant. Auparavant, nous étions simplement tolérées. Aujourd’hui, vous pouvez voir une demi-finale de la Ligue des Nations, France-Espagne, à la télévision, avec un stade plein. Donc, bien sûr, le progrès a été énorme. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les représentations et les stéréotypes. Beaucoup de petites filles ne se donnent pas le droit de penser qu’elles pourraient jouer au foot, et il y a encore beaucoup de garçons qui pensent que le foot n’est pas un sport de filles. Je pense que c’est là le grand défi à relever. Il faut que les filles soient intégrées dans le partage de la joie et du bonheur. L’incorporation doit être souhaitée et non imposée. Les garçons pratiquent le foot depuis longtemps et on ne va pas leur enlever ce bonheur de jouer, il faut donc que nous partagions les espaces et que nous accueillions les filles de manière positive ».

Pourquoi pensez-vous que le football est perçu comme un sport masculin, contrairement à des sports comme le tennis ou le volley-ball par exemple ?
« Le problème réside dans les stéréotypes, qui sont tellement intériorisés que personne n’y croit. Ces stéréotypes doivent être effacés. Pour cela, il faut mettre les enfants dans des situations d’égalité dès leur plus jeune âge. Quand je marquais des buts, les garçons ne me disaient rien. C’est pourquoi il est nécessaire que les filles pratiquent le football en même temps que les garçons, pour être sur un pied d’égalité ».

En un mot, le football, c’est quoi pour vous ?
« Passion. Sans le football, je n’aurais pas fait toutes ces rencontres, eu cette vie exceptionnelle ».
Où voyez-vous le football féminin dans 50 ans ? « Si nous faisons ce qu’il faut en termes d’égalité, d’éducation et dès le plus jeune âge… Dans 50 ans, nous n’aurons plus besoin d’en parler. Nous aurons peut-être une femme à la tête de la FFF ou de la FIFA, et j’espère qu’avant cela, la France sera championne du monde ».


📝 Propos recueillis par M. Silvio DUCOIN, bénévole et membre de la commission communication au sein du District Haute-Garonne de Football

Articles les plus lus dans cette catégorie